Rétrospective: De "LA PILE EXPO" à "PILONE"
EXPO LA PILE
C’est tout d’abord L'EXPO LA PILE, créée au printemps 2019, mettant en avant le travail de 14 pionniers de l'électricité, qui sert d’inspiration aux activités La Pile. L’EXPO remonte le chemin de la prise de courant vers les sources de l’énergie. Elle met en lumière les failles et contradictions actuelles du système électrique : une énergie transportée de loin avec pour conséquence des pertes électriques énormes, un système libéralisé et centralisé, une électrification croissante et en même temps un impact environnemental désastreux et une inégalité d’accès aux énergies renouvelables. Par ailleurs, l’Expo présente des pratiques expérimentales et des nouvelles manières de collaborer entre acteurs, révélant qu’un système électrique alternatif est possible.
Cette EXPO, faisant son chemin à travers Bruxelles et au-delà, a été un premier moyen pour informer, et surtout inspirer un large public à jouer un rôle plus actif et constructif dans le système électrique. Une table au milieu de l’exposition sert à plusieurs occasions pour des ateliers, des discussions, et invite à réfléchir à de nouvelles collaborations.
C’est lors de son apparition à la Maison du Peuple en février 2020, couplé à une programmation d’événements électriques, que l’Expo a réellement lancé le coup d’envoi pour un « terrain-test » électrique de La Pile dans le quartier Midi à Bruxelles.
DES RENCONTRES ÉLECTRIQUES
Au fil des visites guidées, des échanges, d’ateliers ou de débats, la question des « communautés d'énergie », c.à.d. des groupes de citoyens qui mettent sur pied des projets collectifs qui touchent à l’énergie, a été abordée et approfondie, tant avec des voisins du quartier qu'avec des experts et décideurs politiques.
Ce qui en intrigue plus d’un, c’est que les règles de ce qui est possible ou non, pour une telle communauté, personne ne les connait exactement. Ce que nous savons, c’est que bientôt nous ne serons plus uniquement des usagers passifs de l’électricité, mais en nous organisant, nous pouvons devenir véritables acteurs du secteur. Cette petite graine d’idée est plantée petit à petit, au fil des discussions avec les uns et les autres. Pour certains habitants, cela signifie une opportunité unique et une urgence pour se rassembler.
C’est ainsi que lors d’une conférence-débat qui introduisait la notion des communautés d’énergie, nous avons rencontré Mohammed, électricien et plombier du Quartier Midi. Pour lui, il fallait être ambitieux et qu’on s’organise. L’énergie solaire, tout le monde devrait pouvoir en profiter. En tant que quartier, nous devrions pouvoir organiser des choses dont on est fiers et montrer l’exemple. Le témoignage de Christian Bansenga, un habitant de Destrier à Evere, qui a réussi à convaincre son quartier entier de logements sociaux à s’organiser pour installer des PV inspire. C’est aussi l’avis de Pascale, une autre habitante du quartier, pionnière en ayant déjà installé des panneaux il y a 10 ans, mais qui déplore que d’autres ne puissent pas en profiter, par manque d’informations, de ressources ou de moyens. Pour elle, ça ne sert à rien de faire chacun des démarches dans son coin, mais les savoirs, les idées, et même l’énergie elle-même, dont on ne se sert pas, doivent pouvoir être mises en commun.
Et si le Quartier Midi devenait le premier à former une telle communauté d’énergie, qui partage son énergie, et / ou d’autres avantages qui en découleraient ? Il pourrait servir d’exemple à d’autres quartiers. Les premières idées d'initiatives et d'expérimentations naissent lors d’une première rencontre avec Pascale et Mohammed. Et c'est ainsi que les choses se mettent à bouger. En un rien de temps, La Pile devient une grappe d'initiatives, un parcours d'apprentissage, une expérimentation sur l'électricité citoyenne et une action de mobilisation de quartier. En à peine 2 semaines, un quartier entier est invité, à travers 3000 lettres diffusées par un tour de boite, à assister à une première réunion pour s’organiser en « centrale électrique » de Quartier.
Sous le nom de « Centrale Electrique Midi » (nom provisoire) l’ensemble des voisins est invité à : « se mettre ensemble avec toutes les personnes du quartier qui produisent déjà leur propre énergie et toutes celles et ceux qui en ont envie mais ne savent pas trop comment s'y prendre, pour pouvoir échanger de l'information et des expériences, afin d'en arriver à obtenir un maximum d'électricité moins chère, locale et verte, qui nous appartient, et à travers laquelle nous pourrons créer des nouvelles solidarités entre voisins. »
Le 30 juin, une quarantaine de personnes, avec des profils très divers (autant propriétaire que non propriétaire, des plus jeunes aux plus âgés et issus de différentes groupes sociaux), est rassemblée au Tri Postal, espace communautaire du quartier, dans le respect des mesures sanitaires. Il comprend entre autre : un représentant de la troupe scouts du coin, divers représentant.e.s d’organisations, des habitants et commerçants vivant le quartier depuis plusieurs générations, des activistes, des curieux,…
Au milieu de la salle, on retrouve une grande carte du quartier reprenant les éléments clés du réseau électrique (maillage du réseau et cabines basse tensions), qui permet à chacun de se situer à l’aide d’autocollants et d’indiquer des sources de productions disponibles. On a également mis à disposition des ordinateurs, permettant de consulter nos capsules vidéo explicatives, allant de l’installation de PV en copropriété au partage d’énergie, pour inspirer et permettre à chacun de formuler des questions.
Le but de la soirée est d’échanger et d’explorer les possibilités d’action et d’entraide collective. Un représentant de Homegrade est présent également pour pouvoir répondre à d’éventuelles questions techniques. A travers des témoignages d’habitants, en passant par des idées de solutions collectives, rêves ou idées d’initiatives, cette soirée a servie à faire le point sur un tas de sujets liés à l’électricité de quartier et une série de questions qui resteraient à être creusées : parfois des questions pratiques (‘quels sont les bons plans à connaitre si on veut se mettre à produire ?’), parfois des questions-débats (‘Que voudrait-on partager ? Et avec qui, comment ?’)… La soirée a révélé un besoin réel de continuer à échanger et de mutualiser les savoirs et les idées, mais aussi de mieux définir des objectifs et motivations communes. C’était le catalyseur pour une nouvelle communauté d’énergie dans le bas de Saint Gilles.
UNE APPROCHE INTEGRÉE
Avec un petit groupe, nous avons commencé à nous revoir durant l’été de manière plus informelle pour préciser un peu notre projet et nos ambitions. Nous sommes d’accord que l’énergie devrait aller au-delà des infrastructures et technologies et nous voyons dans une communauté d’énergie au niveau du quartier un réel potentiel pour créer une plus-value et un impact concret pour les habitants du quartier, contribuant potentiellement non seulement au développement durable du quartier, mais aussi à son développement social et peut-être même économique. Cette approche intégrée nous guide dans nos choix de projets et d’actions. Nous voyons notre communauté non seulement comme une manière de produire et consommer différemment (plus local, plus vert, moins cher), mais aussi de s’organiser ; une manière de créer des liens qui n’existaient pas auparavant ; une manière d’avoir un poids et une voix en tant que quartier.
C’est dans cet esprit que nous décidons aussi d’écrire une lettre au Contrat de Quartier, pour partager notre vision de l’énergie comme potentiel levier pour le développement du quartier.
"PILONE"
Après un long été, quelques voisins se rassemblent lors d’une fête de quartier (30 août) et pour une soirée-discussion dans la salle du DK, lieu partagé de différents collectifs travaillant sur la résilience (8 septembre). La question centrale est : comment commencer à réaliser concrètement notre envie commune (clairement exprimée fin juin au Tri Postal) de se rassembler et se mobiliser pour augmenter la production d’énergie verte, locale et moins chère dans le quartier, dans l’objectif d’en partager les avantages entre voisins, qu’ils soient producteurs de cette énergie ou non ?
Le résultat des discussions se traduit en plan d’action en 5 points
Un solide noyau d’une dizaine de voisins est motivé à pousser le projet un pas plus loin. Alors que la formation d’une communauté d’énergie s’avère, petit à petit, être en effet un processus complexe, avec des multiples couches de questions qui pourraient en effrayer plus d’un, et qu’en plus un deuxième confinement frappe à la porte, des petits groupes de travail se constituent pour se pencher sur différents aspects : campagne COM, carte du potentiel, data/simulations de partage, questionnaire,…
Lors de plusieurs rencontres autour de boissons chaudes sur la Place Bethléem en octobre, la question se pose : devrait-on engager quelqu’un qui s’y connait pour se pencher sur les questions techniques du projets (calculs et simulations du partage, cartographie de la carte potentiel de quartier,…). C’est Jan, ingénieur énergie qui est aussi le fils d’un couple de voisins présents lors de la réunion au Tri Postal qui va rejoindre l’équipe.
Un moment fixe est désigné tous les jeudis midi pour se rencontrer informellement et discuter de nouvelles idées et des avancées. Puisque le télétravail nous retient tous chez nous dans le quartier, un lunch convivial au DK avec mises-à-jour et brainstorms permanents fait du bien, même en discutant à 2 m les uns des autres.
Fin octobre, on est quand même contraints de passer en mode visio. Ce n’est pas l’idéal pour chacun mais on combine les moyens du bord : échange de mails, rencontres 1 à 1 sur la place avec des boissons chaudes, appels téléphoniques,… C’est comme ça qu’on finit d’ailleurs par trouver un nom pour notre groupe : « PILONE », en référence au pilier qui soude et supporte différents éléments du réseau électrique et distribue les flux d’énergie.